Si nous pensons à une région historique du vignoble espagnol, il y a de fortes chances pour que la première qui nous vienne à l'esprit soit l'AOC Rioja. Et si, de plus, on nous demande avec quels raisins est faite la plupart de leurs vins, peu hésiteront avant de répondre le tempranillo. Mais, que se passerait-il si quelqu'un nous demandait le nom d'un cépage riojan autochtone qui est actuellement en processus de récupération et pratiquement éteint dans le reste du monde ? La bonne réponse à une telle question devrait être le maturana tinta.
Ce raisin aux grappes petites et compactes possède une grande capacité de coloration et s'entend à merveille avec le chêne. L'élevage permet de polir ses tanins et apporte soyeux et volume en bouche. Peut-être est-ce sa productivité retenue qui a causé sa relégation et en a fait un raisin marginal. Toujours est-il qu'aujourd'hui plusieurs caves luttent pour le récupérer en multipliant leurs vignobles et en élaborant avec lui des vins remarquables.
Parmi ces caves, l'une des plus importantes est sans doute les Bodegas Juan Carlos Sancha. Située à Baños de Río Tobía dans la Rioja Alta, l'une des zones les plus fraîches de l'appellation, cette cave a centré ses efforts sur l'élaboration de vins de grenache rouge, mais aussi de cépages minoritaires comme le tempranillo blanc ou les maturanas (blanc et rouge). De sa chaire à l'université de La Rioja, Juan Carlos Sancha lui-même a participé au projet de recherche portant sur la récupération de variétés autochtones. Les 5,5 hectares de vignes entourent la cave et le foyer de Juan Carlos. Les souches, plantées en forte densité sur des sols pauvres, à quelques 600 mètres d'altitude, offrent des raisins d'une extraordinaire qualité et fortement concentrés. L'intervention sur le vignoble est réduite à sa plus simple expression et se fait toujours avec des paramètres écologiques avec, pour but principal, le respect de l'environnement. Dans une cave dotée d'un équipement de base sont élaborés sept vins et, parmi eux, le Ad Libitum maturana tinta.
Les raisins de ce vin proviennent initialement de 17 souches découvertes dans un vieux vignoble, et qui ont été multipliées par greffe. Après l'égrappage, le moût fermente et est élevé dans des barriques neuves, de Tronçais, de 500 litres, qui sont brassées 16 fois par jour pour que les peaux soient toujours mouillées et restent en contact avec le moût. Après 11 mois de repos dans le bois, le vin nous arrive avec une robe bigarreau sombre et un nez chargé de bons fruits, minéralité, réglisse et quelques notes de poivre vert propres à la variété. En bouche, c'est un vin de structure moyenne, avec une bonne acidité et des tanins bien profilés par le bois ; aux arômes déjà perçus au nez viennent s'ajouter des rappels de cacao, de café et d'épices. Le finale est mûr, savoureux et long. Nous vous conseillons de le décanter pour en profiter pleinement.
